Déclaration de Christopher Fomunyoh sur le Cameroun, le 18 novembre, 2018

Camerounaises, Camerounais,
Mes chers compatriotes,

Le 7 octobre dernier, les compatriotes ont pris part au scrutin présidentiel ou neuf candidats étaient en lice. Je salue tous ceux qui ont participé à cet exercice. Je félicite les candidats qui ont permis cet engagement citoyen et suscité l'espoir d'une vraie démocratie et d'un changement à travers les urnes. Malheureusement, ces espoirs n'ont pas prospéré et la légitimité de cette élection présidentielle est entachée.

En juillet, plusieurs mois avant le scrutin, j'avais exprimé mes fortes préoccupations concernant l'environnement politique et sécuritaire, en déclarant que le pays était n'était pas prêt pour les élections. Malheureusement, la gestion de certains aspects cruciaux du processus électoral a suscité de nombreuses interrogations quant à l'avenir de la démocratie dans notre pays. Je citerai notamment les difficultés d'organisation du vote dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le manque de transparence dans la compilation et la transmission des résultats, le contentieux électoral et l'absence d'unanimité dans l'acceptation des résultats. A ce jour, le résultat de l'élection est contesté par le principal candidat de l'opposition et par de nombreux Camerounais. En même temps, et en dépit de mes appels répétés au dialogue inclusif au plus haut niveau depuis le début de la crise anglophone en 2016, les tueries dans les régions anglophones continuent sans relàche et chaque perte de vie humaine accroit les douleurs et les souffrances et compromet encore davantage les perspectives de réconciliation nationale.

Aujourd'hui, le Cameroun est plus que jamais divisé, polarisé, fragilisé. La sécurité des citoyens est fortement menacée. En dépit de l'habillage juridique, la légitimité du gouvernement actuel est sérieusement remise en question par des millions de nos compatriotes et amis du Cameroun à travers le monde. La crédibilité de nombreuses institutions clés, dont le Conseil constitutionnel nouvellement créé, est en jeu. Le recours à la force et à la violence physique, la propagation du discours de haine, la stigmatisation ethnique sont devenus monnaie courante dans le débat public, et conduisent forcement à des tensions dans les relations entre les représentants de l'Etat et les populations civiles.

En pareilles circonstances, les Camerounais de bonne volonté ont le devoir civique de s'élever et de réclamer avec instance un changement de cap décisif. Nous devrons tout faire pour éviter l'augmentation des violences et une plus grande désintégration des liens qui nous unissent. Pour éviter ces risques, je propose les dix points suivants et appelle à leur prise en compte urgente et immédiate.

Au sujet de la paix et de la sécurité: Adopter une approche holistique pour mettre fin aux tueries.

  1. Libérer les prisonniers et détenus politiques non-violents victimes de la crise anglophone, et créer un environnement propice pour un véritable dialogue de haut niveau et pour la recherche de solutions durables.

  2. Ordonner un cessez-le-feu immédiat et lever le couvre-feu dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest afin de rétablir une situation normale, permettant aux jeunes de reprendre des activités normales et facilitant le retour de centaines de milliers de déplacés internes et de réfugiés.

  3. Mettre fin immédiatement aux tueries et aux destructions de biens dans les régions anglophones et à toutes les formes de violence contre les civils et les forces de sécurité.

    Au sujet des élections: Tenir compte de la contestation sur la légitimité du résultat électoral.

  4. Pour dissiper tout soupçon sur les résultats électoraux, engager un cabinet d'audit de renommée internationale, comme Price Waterhouse Cooper ou Deloitte Touche pour vérifier les documents ELECAM relatifs au scrutin présidentiel d'octobre 2018.

  5. Rendre publics les résultats de cet audit international afin de rétablir la confiance dans le processus électoral et les institutions chargées de son administration et de son controle.

  6. Lancer immédiatement une commission de réformes ad hoc de haut niveau pour la relecture de la Constitution, des lois électorales et du cadre juridique du pays, afin de proposer la mise en ouvre des réformes majeures à entreprendre dans tous les secteurs dans un délai donné.

  7. Confier la présidence de cette commission ad hoc à un juriste indépendant, expérimenté et respecté qui possède aussi une connaissance approfondie des processus de gouvernance démocratique.

  8. S'engager à mettre en ouvre des réformes profondes dés leur adoption et avant toutes nouvelles élections locales, régionales ou nationales.

  9. Dans le nouveau cadre électoral qui sera proposé par la commission de réformes ad hoc, organiser des élections présidentielles anticipées dans le respect des régles de transparence et de crédibilité, et dont la légitimité ne souffrira d'aucune remise en cause.

  10. Eviter l'instrumentalisation des services de sécurité et des services administratifs et sortir le pays de la spirale infernale des discours de haine, de la stigmatisation ethnique, de la violence et du harcélement, surtout contre les professions indépendantes comme les journalistes, les avocats et les enseignants, qui sont les piliers de toute société démocratique.

J'appelle le gouvernement à prendre des mesures concrétes pour rétablir la paix, reconstruire la réputation du pays et restaurer la dignité des Camerounais. Cela exige des mesures extraordinaires, y compris celles énumérées ci-dessus, pour faire face aux multiples crises auxquelles nous sommes actuellement confrontés.

Dr. Christopher Fomunyoh
Président, The Fomunyoh Foundation
christopher.fomunyoh@tffcam.org
www.tffcam.org